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Dans les tuyaux Cultiver du cannabis thérapeutique

À la fin octobre, l’Assemblée nationale a donné son feu vert à une expérimentation de cannabis thérapeutique. Des acteurs se positionnent déjà pour la mise en place d’une filière française de production en cas de généralisation.

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À la suite de l’avis favorable de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) en juillet dernier, l’Assemblée nationale a voté un amendement autorisant l’expérimentation du cannabis médical pour certains patients.

Cet essai, qui débuterait au mieux à la fin du premier semestre 2020 et durerait deux ans, concernera des patients souffrant de maladies graves, comme certaines formes d’épilepsies, de douleurs neuropathiques, d’effets secondaires de chimiothérapies, de contractions musculaires incontrôlées dues à la sclérose en plaques, etc. « L’objectif est de suivre 3 000 patients pendant au moins six mois », explique Nicolas Authier, médecin psychiatre et président du Comité scientifique spécialisé temporaire sur le cannabis thérapeutique. Si le traitement est efficace, les patients continueront à y avoir accès pendant dix-huit mois, le temps de traiter les résultats et de rendre le rapport. L’ANSM rendra ensuite son avis au ministère de la Santé et laissera la place au débat politique. Les pouvoirs publics se prononceront enfin sur la généralisation de l’accès au cannabis thérapeutique et sur la prise en charge totale ou partielle de ces médicaments (qui seront gratuits dans le cadre de l’essai).

Pour l’expérimentation, la première prescription s’effectuera dans un centre spécialisé, mais les médecins généralistes pourront ensuite renouveler l’ordonnance, à condition de suivre une formation de e-learning de quelques heures. Ces médicaments prendront plusieurs formes. Ils pourront être administrés par voie orale sous forme sèche (gélule, comprimé) ou liquide (solution buvable) pour une action lente mais un effet prolongé. Ils pourront également être inhalés par voies pulmonaires (sous forme de spray par exemple) afin d’obtenir une réaction rapide contre la douleur.

Une production française ?

Comme il n’existe pas de production française de cannabis, les médicaments seront importés. Mais si la généralisation de l’accès au cannabis thérapeutique était décidée, la question d’une production française se pose.

Le groupe InVivo cherche à monter un consortium sur le cannabis thérapeutique, qui intégrerait le chanvre industriel. « Nous lançons un projet de R&D [recherche et développement] et de production indoor high-tech de cannabis thérapeutique », explique Yves Christol, directeur général d’InVivo Food & Tech. Le groupe possède déjà des sites qui pourraient accueillir la culture du cannabis. Il a d’ailleurs demandé une autorisation expérimentale de production mais demeure pour l’instant dans l’attente, personne ne sachant qui autorise une culture expérimentale. « Il faut maîtriser beaucoup de paramètres pour assurer la composition du futur médicament selon les standards pharmaceutiques, analyse Nicolas Authier. On sort d’une agriculture conventionnelle et on s’approche plutôt du maraîchage high-tech. »

Yves Christol abonde : « Il est impossible de produire en extérieur du cannabis thérapeutique. Il ne serait pas possible d’assurer la génétique (à cause de problèmes potentiels de fertilisation croisée) et il serait compliqué de se passer de pesticides. » En outre, 0,7 à 1 gramme par jour pour environ 300 000 patients, cela représente 109 tonnes à l’année. « En intérieur, avec quatre récoltes par an, il suffit d’une exploitation de 7 hectares pour toute la France. » De quoi couper court aux espoirs de certains agriculteurs qui voudraient se lancer dans la production. « Il s’agira d’emplois high-tech », présume le directeur général d’InVivo Food & Tech.

Léna Hespel

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